Le comportement des marchés de début février : un accident ou un avertissement ?
L’ensemble des marchés actions mondiaux a connu des fortes variations de cours entre le 2 et le 6 février 2018. Ce mouvement parti des Etats-Unis peut-il être considéré comme le début d’une crise durable, un accident ou doit-il être vu comme un avertissement sur le comportement à venir des marchés ?
Le système mis en place par les banques centrales à la suite de la crise financière de 2008 a été souvent décrit : achats massifs de titres par les banques centrales, taux d’intérêt très bas, hausse des marchés actions (hausse alimentée par l’afflux de liquidités et la recherche d’actifs risqués).
Pour autant ce système ne parvenait pas à générer de l’inflation, celle-ci restant dans les pays occidentaux en retrait des 2% visés par les banques centrales.
Ces mêmes banques centrales ont annoncé que cette période touchait à sa fin : la banque centrale américaine (FED), a montré l’exemple en commençant à monter ses taux directeurs et va réduire ses concours à l’économie afin de faire décroitre son bilan. La BCE a annoncé qu’elle allait supprimer ses interventions probablement avant la fin de 2018 et monter ses taux en 2019. Enfin la Banque du Japon ne dit rien de clair mais pourrait aussi faire évoluer sa politique.
L’attitude de la FED aurait dû conduire à une hausse des taux long terme américains tout au long de l’année 2017. Il n’en a rien été jusqu’à la fin du 3ème trimestre où ils ont commencé à monter sans inquiéter les marchés actions.
Ceux-ci se sont trouvés brutalement sous la pression des risques d’inflation lorsque les statistiques mensuelles de l’emploi publiées vendredi 2 février ont fait ressortir une nette hausse de la rémunération des heures travaillées à 2.9% en rythme annuel en janvier. Les marchés ont préféré retenir le risque d’inflation plutôt que la possibilité de croissance supplémentaire due à la consommation.
Il est clair que le raccourci hausse des salaires/ inflation, pas évident en soi, n’aurait pas dû entraîner un tel décalage des cours. Mais les marchés ont décidé de s’inquiéter : ils ont enfin pris acte de la hausse des taux et ont craint que l’apparition de l’inflation ne force les banques centrales à accélérer le rythme de la hausse des taux directeurs afin de freiner les tensions inflationnistes. Une hausse rapide des taux est synonyme, à terme, d’un ralentissement économique et donc d’une baisse des cours des actions. C’est ce qui explique la baisse intervenue vendredi.
Le fort décalage de cours de lundi est né du retournement brutal de la volatilité du marché sur le niveau de laquelle des systèmes d’arbitrage et de levier avaient été construits depuis plusieurs mois. La sortie simultanée des opérateurs engagés dans ces montages et le déclenchement de programmes de ventes automatisées ont créé un énorme déséquilibre sur les cours et ont mis en difficulté certains fonds et ETF, dont l’un d’entre eux a fermé le jour même.
En somme cette mini crise financière intervenue durant ces 3 jours se résume à une association un peu rapide entre augmentation de salaires et inflation et au mini krach dû au retournement brutal des anticipations sur la volatilité des marchés.
Nous ne remettons pas en cause notre sentiment :
1. La bonne santé de l’économie mondiale n’est pas en cause, les résultats d’entreprises qui en découlent resteront en croissance et sans doute durablement meilleurs que prévus, et le réajustement de leur valorisation donnera des occasions de rentrer sur les marchés actions.
2. Nous l’avons écrit et nous le répétons : l’année 2018 sera beaucoup plus volatile et tactique que 2017. L’exemple de cette semaine en est la plus parfaite illustration.
3. Sur les marchés obligataires, le risque est plus important. L’amélioration de la conjoncture mondiale et de l’inflation associée, pousse les taux longs à la hausse au moment où les programmes de rachats de titres sont appelés à se réduire dans le sillage de la FED. Nul doute que les taux seront sous haute surveillance. Dans le cadre de cet exercice, le risque réside dans l’éventuelle perte de crédibilité de l’une ou l’autre des grandes banques centrales. Il n’est pas imminent.