Le gouvernement a adopté le weekend dernier un décret pour sauver deux petites banques vénitiennes : Veneto Banca et Banca Popolare di Vicenza. Faute de n’avoir trouvé aucuns investisseurs susceptibles de leur apporter des capitaux, ces banques étaient au bord de la faillite. Les marchés financiers ont salué le sauvetage qui permet au système bancaire italien d’éviter une nouvelle crise et de protéger les petits porteurs de dette bancaire ainsi que les épargnants à moins d’un an des élections législatives. Cette opération de « bail out » est toutefois décriée notamment par l’Allemagne car elle contourne les règles européennes en matière d’aides publiques : le fameux « bail in » qui impose à certains créanciers d’une banque en difficulté une diminution de leurs créances ou une conversion de celles-ci en actions de capital.
Un sauvetage qui pourrait s’élever à 17 milliards d’euros
Le mécanisme de sauvetage s’articule autour de deux points :
- Les « bons » actifs seront absorbés par Intesa SanPaolo qui est aidée à hauteur de 5,2 milliards d’euro par le gouvernement italien pour maintenir son ratio core Tier 1. La première banque du pays va donc acquérir les 2 banques vénitiennes pour un euro symbolique.
- Les « mauvais » actifs (essentiellement les prêts non performants) seront isolés dans une structure de défaisance abondée par le gouvernement italien, qui apporte une garantie à hauteur de 12 milliards d’euros.
Le montant global du sauvetage pourrait donc s’élever au maximum à 17 milliards d’euros, soit près de 1% du PIB du pays, en fonction du recouvrement à venir des créances douteuses. Ces dépenses viennent accroitre la pression sur la dette du pays qui représente déjà 133% de son PIB.
Une opération qui sème le trouble sur l’Union bancaire
Le gouvernement italien a pu adopter ce décret de sauvetage car les autorités européennes ont estimé que ces petites banques implantées essentiellement en Vénétie pouvaient être sauvées par une intervention nationale. La Commission européenne a approuvé les mesures italiennes « pour faciliter la liquidation des établissements qui sera réalisée conformément aux lois nationales d’insolvabilité».
Cette opération est toutefois décriée car elle sème le trouble dans le grand projet qu’est l’Union bancaire européenne, créée dans le sillage de la crise financière de 2008. L’Union bancaire a en effet été créée par les Etats de l’Union européenne pour empêcher que les gouvernements européens se retrouvent à nouveau, comme pendant la crise, à débourser des montants colossaux pour sauver leurs banques, se mettant eux-mêmes en difficulté.
La porte-parole du ministère allemand des Finances a déclaré que si des banques n’étaient pas rentables, « il est préférable de les laisser quitter le marché plutôt que de les maintenir artificiellement en vie avec des recapitalisations préventives », et ajouté : « le recours à une aide publique devrait être évité autant que possible dans les situations de faillite. L’idée est également de protéger les contribuables.
Au cours du mois de juin, l’Union européenne avait d’ailleurs joué son rôle de « liquidateur » bancaire en Espagne avec le rachat pour 1 euro par Santander des actifs de Banco Popular, mettant à contribution le secteur privé : actionnaires et détendeurs de dette à l’inverse d’un sauvetage de l’Etat.
Un sauvetage justifié ?
Le sauvetage permet de réduire sensiblement le risque systémique italien. L’intervention publique permet de retirer du système bancaire italien près de 18 MM€ de prêts non performants. L’application des instruments européens de « bail in » aurait par ailleurs conduit à mettre à contribution plus largement tous les créanciers, ce qui aurait pu en période pré-électorale alimenter les votes pour le parti populiste « Mouvement 5 Etoiles » (beaucoup d’épargnants sont issus de la classe moyenne).
L’annonce de cette opération a été saluée par les marchés financiers lundi 26 juin : l’indice italien a gagné 0.8% tiré par le secteur et notamment Intesa Sanpaolo qui a grimpé de 3.5%. L’écart de taux entre l’Italie et l’Allemagne est par ailleurs redescendu à 165 point.
Si les marchés ont réagi positivement, certains ont toutefois critiqué un énième sauvetage coûteux alors que 10 milliards d’euros environ ont déjà été mobilisés pour éviter la faillite de plusieurs banques dont la plus vieille banque du monde : Monte dei Paschi di Siena (BMPS).
Le système bancaire reste dans tous les cas encore fragile. D’après une étude de la banque d’affaires italienne Mediobanca, 114 banques (sur 500) affichent un niveau de crédits détériorés supérieur à leur actif net. Le sauvetage des 2 banques vénitiennes ne lève donc pas toutes les inquiétudes sur le secteur bancaire italien, mais apaise au moins les tensions à court terme.