Pour la première de Jerome Powell, la Réserve fédérale américaine a annoncé mercredi 21 mars une hausse d’un quart de point de son principal taux directeur (« fed funds ») dans la fourchette de 1.50% à 1.75% (vs 1.25% – 1.50% auparavant). Il s’agit de la première hausse de l’année et la 6ème depuis décembre 2015, le début du cycle de normalisation monétaire de la Fed. Cette décision était largement anticipée par le marché (à près de 100% d’après les enquêtes Bloomberg). L’attention se portait donc davantage sur la suite et les estimations de hausse des taux de la Fed (« les dots ») pour le reste de l’année ainsi que pour 2019. Les prévisions de croissance et d’inflation étaient également particulièrement scrutées. Les résultats ont laissé les marchés circonspects.
3 hausses des taux attendues en 2018 et non pas 4 – un message « dovish » ?
C’était le grand point d’interrogation. La Fed allait-elle annoncer une troisième hausse de taux supplémentaire (en plus de celle du 21 mars) pour cette année, soit 4 au total ? La réponse est non. Une courte majorité (8 membres de la Fed sur 15) n’anticipe « que » trois hausses cette année. Ce point était particulièrement scruté par les investisseurs, qui étaient à cheval entre trois et quatre hausses des Fed funds en 2018. Le message a donc été perçu comme « dovish » (accommodant) par un certain nombre d’intervenants, ce qui s’est traduit par une baisse des taux longs 10 ans US à 2.88% après un pic à 2.94% juste avant le compte rendu du Comité. La hausse des taux courts (liée au relèvement des Fed funds) combinée à la baisse des taux longs a entrainé un nouvel aplatissement de la courbe des taux. De même, le dollar s’est affaissé passant de 1.226 à 1.234 pour un euro.
Le ton n’a pourtant pas été si accommodant que cela. Les « dots » ont en effet fait état d’une plus grande confiance de la Fed quant à sa capacité à remonter ses taux directeurs d’ici 2020 : elle projette trois nouveaux resserrements en 2019 et deux autres en 2020 ! Sa projection à long terme a néanmoins été maintenue à 2.9%. Bon nombre d’analystes retiennent de la première conférence de presse de Jerome Powell en tant que président de la Fed qu’il est parvenu à apparaître moins « hawkish » qu’attendu, tout en soulignant qu’il se montre optimiste pour l’économie américaine dans son ensemble.
La Fed reste confiante dans l’économie américaine
Ce resserrement monétaire s’explique par une meilleure appréciation des membres de la Fed de l’environnement économique, en lien avec des attentes plus fortes vis-à-vis de la réforme fiscale. Ils ont à nouveau révisé à la hausse leurs prévisions de croissance (+2,7% vs +2,5% pour 2018 et +2,4% vs +2,1% pour 2019), ce qui conduit à une baisse encore plus rapide du chômage. Les changements de formulation adoptés par la Fed peuvent toutefois paraitre « dovish », en indiquant que l’activité a progressé à un rythme « modéré », contre « solide » dans le précédent communiqué.
Concernant l’inflation, les prévisions sont restées inchangées pour 2018, à 1.9%. L’inflation devrait en revanche être légèrement au-dessus de l’objectif de 2% de la Banque Centrale en 2019 (2.1%). En outre, l’accélération attendue de l’inflation est maintenant supposée se produire « dans les mois à venir » et non plus « dans le courant de cette année » comme dans le communiqué précédent. Jerome Powell a néanmoins affirmé dans sa conférence de presse qu’il ne percevait pas de signe d’accélération de l’inflation pour le moment aux Etats-Unis : « Il n’y a pas dans les données un signal que nous sommes à l’aube d’une accélération de l’inflation ». Ces modifications et commentaires laissent l’impression que la banque centrale américaine navigue en eaux inconnues et reste prête à s’adapter à tout changement de son environnement. Dans ce contexte, les menaces de protectionnisme seront surveillées étroitement par la Fed.
Un impact négatif sur les marchés actions ?
Quelques minutes avant la publication du Comité de la Fed, les principaux indices actions aux Etats-Unis étaient en hausse de près de 1% et ont finalement clôturé dans le rouge. Ils ont par ailleurs fortement chuté le lendemain. La baisse des taux longs aurait normalement dû être positive pour les actions. Si on peut trouver une raison du côté des propos de Jerome Powell, qui a affirmé que la valorisation de certains actifs, dont les actions, était « élevée », nous estimons que l’impact est principalement lié aux menaces de protectionnisme de Donald Trump. Il a en effet annoncé des mesures commerciales contre la Chine. Des barrières tarifaires seraient imposées pour un montant de 60 milliards de dollars, faisant craindre une guerre commerciale entre les deux principales puissances du Monde…