Après l’accalmie observée au cours des mois d’avril et mai, les menaces protectionnistes ressurgissent et viennent secouer une nouvelle fois les marchés financiers. Depuis le 15 juin, l’Eurostoxx 50 perd plus de 4%. Les indices américains résistent un peu mieux (-3% environ pour le S&P 500). Outre la rhétorique agressive de Donald Trump, les investisseurs commencent à réaliser que les impacts sont réels sur l’économie.
Les relations commerciales avec la Chine principalement visées
L’escalade verbale a débuté vendredi 15 juin, lorsque Donald Trump a annoncé que des droits de douane de 25% allaient être appliqués sur 50 milliards de dollars (MM$) d’importations en provenance de Chine. Si la liste exacte des produits n’est pas connue, elle devrait frapper essentiellement des produits technologiques. L’objectif officiel est de réduire le déficit commercial avec la Chine : en 2017, les Etats-Unis ont exporté pour 130,4 milliards de dollars de marchandises vers la Chine, contre 505,6 milliards d’importations de biens chinois, selon les statistiques du Département du commerce. Soit un déficit de plus de 375 milliards. L’objectif sous-entendu est de maintenir l’hégémonie américaine et de lutter contre le plan « Made in China 2025 » qui vise à soutenir la montée en gamme de l’économie chinoise en réduisant sa dépendance aux technologies étrangères.
A la suite de cette annonce, la Chine a immédiatement répliqué en appliquant des taxes d’une « ampleur et d’une intensité similaires ». Les sanctions concerneront donc 50 MM$ d’importations en provenance des Etats-Unis. Pour l’instant, seulement 34 MM$ sont connus et elles concernent essentiellement les produits agricoles et l’automobile. L’escalade s’est par la suite accélérée. Donald Trump n’a pas apprécié la riposte de Pékin, et a mandaté le Département du Commerce pour identifier 200 MM$ d’importations chinoises qui se verraient soumises à 10% de droits de douane supplémentaires.
Le risque de ces mesures est un ralentissement des échanges qui pourrait impacter la croissance mondiale. Les marchés boursiers ont immédiatement corrigé à la suite de ces menaces.
Donald Trump vise plus particulièrement les investissements chinois dans le secteur de la technologie
Les tensions se sont une nouvelle fois accentuées lundi 25 mai, alors que le département du Trésor américain préparerait un plan pour limiter très fortement les investissements chinois dans les technologies. L’objectif serait d’instaurer des mesures permettant de considérer toute prise de participation chinoise dans des entreprises américaines du secteur des technologies, notamment dans les véhicules électriques, la robotique ou l’aérospatial. D. Trump estime ces participations comme des menaces pour la sécurité du pays. Le Nasdaq a chuté de plus de 2% au cours de la journée. Si 2 jours plus tard, le secrétaire au Trésor Steven Munchin a tenté de minimiser la dureté des mesures en précisant que le CFIUS (Committee on Foreign Investment in the United States) disposerait simplement de moyens de vérification plus étendus, le flou et l’incertitude persistent.
Les partenaires commerciaux et alliés des Etats-Unis aussi concernés
Après avoir exigé en 2017 la renégociation du traité de libre-échange nord-américain (Aléna) qui lie les Etats-Unis au Canada et au Mexique, Donald Trump a imposé le 1er juin des tarifs douaniers de 25% sur l’acier et de 10% sur l’aluminium importés de ces deux pays (toujours au nom de la défense de la sécurité nationale américaine). L’Union européenne n’a pas non plus été épargnée : l’acier et l’aluminium des 28 pays membres sont eux aussi touchés de ces mêmes taxes douanières. En outre, la volonté de taxer à 20% les importations dans le secteur de l’automobile, qui représentent 350 MM$ en 2017, semble prendre de plus en plus de poids au sein de l’administration Trump. Les Européens ont d’ores et déjà annoncé qu’ils réagiraient en cas de mise en œuvre de ces barrières. A noter que la capacité de riposte des Européens est bien meilleure si on ajoute dans la balance des négociations les services importés depuis les Etats-Unis. Ceci pourrait inciter les Etats-Unis à ne pas aller plus loin dans la guerre commerciale avec l’Europe.
Des impacts qui commencent à être visibles sur les industries
Même si les montants évoqués sont encore faibles, les effets sur certains secteurs et entreprises se font déjà ressentir. Harley Davidson a par exemple décidé de déplacer une partie de sa production en dehors des Etats-Unis pour contourner les tarifs douaniers européens. Ceux-ci auraient en effet augmenté de 6 à 31% et renchériraient donc le prix de chaque moto d’environ 2200 dollars !
De même, Daimler a revu à la baisse ses prévisions de résultats pour 2018. La maison mère de Mercedes est notamment touchée par les droits de douane chinois sur les importations de voitures fabriquées aux Etats-Unis. Le groupe a perdu plus de 10% en bourse au cours des 10 derniers jours.
Ceci rappelle que les conséquences ne sont pas neutres pour l’économie mondiale et pourraient pousser Washington à une plus grande retenue. Aucun pays, ni même les Etats-Unis, ne souhaitent de guerre commerciale mondiale et les risques de récession qui en découleraient.
Une étude du CEPII de mai démontre que les mesures prises, et celles qui sont à l’étude, provoqueraient une baisse d’activité sensible aux Etats-Unis et en Chine, respectivement de -30 pb et -90 pb sur la croissance, en cas de taxation totale des échanges entre les deux pays à 25%. En outre, la baisse des marchés actions impacterait le patrimoine financier des ménages.
Dans ce contexte morose, il est tentant de penser que Donald Trump finira par calmer le jeu. Toutefois, l’approche des élections de mi-mandat au mois de novembre le pousse à obtenir des résultats concrets afin d’améliorer son bilan et de convaincre son électorat. Il est donc probable que M. Trump poursuive sa rhétorique agressive tout au long de l’été. Attention donc à la volatilité à court terme.