Rien ne semble arrêter l’euro, qui poursuit sa hausse par rapport au dollar. Depuis un mois, il progresse de près de 4% et a touché les 1.23$, un niveau plus atteint depuis 2014. Les différences de politiques monétaires entre la Fed (qui poursuit la normalisation) et la BCE (qui reste accommodante) devraient pourtant militer pour une appréciation du dollar par rapport à la monnaie unique. Quels sont les éléments qui pourraient permettre d’expliquer cette tendance haussière sur l’euro ? Faut-il y voir une progression de la monnaie unique ou un affaiblissement du dollar ?
Evolution de l’euro par rapport au dollar depuis le 1er janvier 2017
Source : Bloomberg
Fin proche de la politique monétaire accommodante en Europe ?
La vigueur de l’euro depuis le début d’année est liée à l’intégration par les marchés financiers d’une sortie proche du programme de rachat de dette de la BCE. Ces nouvelles anticipations ont été alimentées par :
- La publication de données d’inflation solide en Allemagne, proche de la cible de la BCE (+1.6%) ;
- Les propos de Benoit Coeure, qui estime que la BCE sera en mesure d’arrêter les achats d’obligations dès la fin du mois de septembre.
La dimension politique a également contribué à soutenir l’euro au cours des derniers jours. Vendredi 12 janvier, l’annonce en Allemagne d’un accord provisoire en vue d’une coalition de gouvernement entre les sociaux-démocrates et les conservateurs CDU/CSU a « boosté » la monnaie unique. C’est cette annonce qui a permis à l’euro de toucher les 1.23$.
Un dollar qui ne profite pas de la croissance et qui souffre de « l’effet Trump »
En dépit des bons chiffres récemment publiés sur la croissance des Etats Unis et la faiblesse du chômage, le dollar reste pénalisé. Cette solidité de l’économie américaine devrait pourtant favoriser l’inflation et donc les anticipations d’accélération du resserrement monétaire.
Le fait que la Fed ait remonté ses prévisions de croissance sans ajouter une quatrième hausse de taux directeurs, a donné à penser que le resserrement monétaire américain était dorénavant moins sensible au cycle économique que celui des autres pays développés.
Nous avons aujourd’hui surtout l’impression qu’il y a une grande défiance envers Donald Trump, qui semble pénaliser le dollar depuis son élection en dépit de l’amélioration constante de la conjoncture outre atlantique. Entre les histoires d’ingérence avec la Russie, les difficultés à mettre en place les réformes promises, les déclarations « chocs » et la guerre des mots avec le président nord-coréen, la crédibilité du nouveau président des États Unis est durement mise à l’épreuve. Une étude de Berkeley publiée en 2017 a développé l’hypothèse de « Mercury et Mars ». Les devises seraient dépendantes de ses deux côtés. Mercury est le côté économique, et Mars le côté géopolitique. Le fait que les Etats-Unis militent de plus en plus pour l’isolationnisme (« America First ») fait qu’un certain nombre de pays délaissent le dollar même si cela aurait un sens d’en détenir d’un point de vue économique. Donald Trump a donc certainement une part de responsabilité (voulue ?) dans la chute du dollar depuis 1 an. N’oublions pas qu’il avait lui-même dit qu’il trouvait que le dollar était trop fort, au mois d’avril 2017.
Plusieurs facteurs permettent donc d’expliquer la progression de l’euro depuis 1 an : l’amélioration continue des données macroéconomiques en Europe et les anticipations d’un retrait progressif du soutien de la BCE soutiennent la monnaie unique. En parallèle, la défiance envers l’administration Trump pénalise le dollar. Au cours des prochains jours, la tendance pourrait se poursuivre en raison du fameux « shutdown ». Les Sénateurs et la Maison Blanche ne sont en effet pas parvenus à s’entendre vendredi 19 janvier sur le financement de l’Etat fédéral, entrainant l’arrêt des services publics fédéraux non-essentiels. Les discussions patinent toujours sur la question de l’immigration. Un nouveau vote est prévu en début de semaine aux Etats-Unis. Une fermeture prolongée des services publics fédéraux pénalisera la croissance du pays et donc le dollar. Dans son allocution du 25 janvier, Mario Draghi sera donc certainement contraint d’aborder la question de l’euro, afin de ralentir sa progression qui pénalise les grandes sociétés exportatrices européennes.